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Louise Labé
Oeuvres, 1555

Sonnet I

O beaux yeus bruns, ô regars destournez,
O chaus soupirs, ô larmes espandues,
O noires nuits vainement atendues,
O jours luisans vainement retournez :

O tristes pleins, ô désirs obstinez,
O tems perdu, ô peines despendues,
O mile morts en mile rets tendues,
O pires maus contre moy destinez.

O ris, ô front, cheveus, bras, mains & doits :
O luth pleintif, viole, archet & vois :
Tant de flambeaus pour ardre une femmelle !

De toy me plein, que tant de feus portant,
En tant d’endroits d’iceus mon cœur tatant,
N’en est sur toy volé quelque estincelle.

 

 

Sonnet XI

Lut, compagnon de ma calamité,
De mes soupirs témoin irréprochable,
De mes ennuis controlleur véritable,
Tu as souvent avec moy lamenté ;

Et tant le pleur piteus t'a molesté
Que, commençant quelque son délectable,
Tu le rendois tout soudain lamentable,
Feignant le ton que plein avoit chanté.

Et si te veus efforcer au contraire,
Tu te destens et si me contreins taire :
Mais me voyant tendrement soupirer,

Donnant faveur à ma tant triste pleinte,
En mes ennuis me plaire suis contrainte
Et d'un dous mal douce fin espérer.

 

Las ye me plains, F. da Milano v. 1530 ; C. Wilson, luth

 

 Débat de Folie et d'Amour, 1555

Diray ie que la Musique n’a esté inventée que par Amour ? & est le chant & harmonie l’effect & signe de l’Amour parfait. Les hommes en usent ou pour adoucir leurs désirs enflammez, ou pour donner plaisir : pour lequel diversifier tous les jours ils inventent nouveaus & divers instrumens de Luts, Lyres, Citres, Doucines, Violons, Espinettes, Flutes, Cornets : chantent tous les jours diverses chansons : & viendront à inventer madrigalles, sonnets, pavanes, passemezes, gaillardes, & tout en commemoration d’Amour : comme celui, pour lequel les hommes font plus que nul autre.

 

 


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