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Pierre de Ronsard
Les Amours de Cassandre, 1552

Sonnet CXV

Plus mile fois que nul or terrien,
J'aime ce front où mon Tyran se joüe
Et le vermeil de cette belle joüe,
Qui fait honteux le pourpre Tyrien.

Toutes beautés à mes yeus ne sont rien,
Au pris du sein qui souspirant secoüe
Son gorgerin, sous qui doucement noüe
Le branle égal d'un flot Cytherien.

Ne plus, ne moins, que Juppiter est aise,
Quand de son luth quelque Muse l'apaise,
Ainsi je suis de ses chansons épris,

Lors qu'à son luth ses doits elle embesongne,
Et qu'elle dit le branle de Bourgongne,
Qu'elle disoit, le jour que je fus pris.

 

Sonnet XXXVIII

Doux fut le trait qu'Amour hors de sa trousse
Tira sur moi ; doux fut l'acroissement
Que je receu dès le commencement,
Pris d'une fiebvre autant aigre que douce.

Doux est son ris et sa voix qui me pousse
L'esprit du corps plein de ravissement,
Quand il lui plaist sur son Lut doucement
Chanter mes vers animez de son pouce.

Telle douceur sa voix fait distiler,
Qu'on ne sçauroit, qui ne l'entend parler,
Sentir en l'ame une joye nouvelle.

Sans l'ouir, dis-je, Amour mesme enchanter,
Doucement rire, et doucement chanter,
Et moy mourir doucement auprès d'elle.
 

A vous en est, Thomas Crequillon, 1553 ; Claudine Ansermet, chant et Paolo Cherici, luth


A J. DE EDINTON, 1565

Quand tu naquis, Edinton, tous les Cieux
Mirent en toy toute leur harmonire,
Et dans ton luth leur douceur infinie
Qui peut charmer les hommes et les Dieux.

Oyant ton chant sur tous mélodieux,
Je vy, je meurs, je suis plein de manie,
Et tellement ton accord me manie
Que je deviens et sage et furieux.

En mon endroit tu es un Timothée,
Je sens tousjours mon ame surmontée
De ta douceur qui me vient arracher

Le coeur pasmé de si douces merveilles.
Las ! pour t'ouyr que n'ay-je cent oreilles,
Ou sans t'ouyr que ne suis-je un rocher !


A SA GUITERRE, 1550

Ma Guiterre je te chante,
Par qui seule je deçoy,
Je deçoy, je romps, j'enchante
Les amours que je reçoy.
Nulle chose, tant soit douce,
Ne te sçauroit egaler,
Par qui le soin je repousse
Si tost qu'il te sent parler.
Au son de ton harmonie
Je refreschy ma chaleur,
Ma chaleur, flame infinie,
Naissante d'un beau malheur.
Plus chèrement je te garde
Que je ne garde mes yeux,
Et ton fust que je regarde
Peint dessus en mille lieux,
Où le nom de ma Déesse
En maint amoureux lien,
En maints laz d'amour se laisse
Joindre en chifre avec le mien ;
Où le beau Phoebus, qui baigne
Dans le Loir son poil doré,
Du luth aux Muses enseigne
Dont elles m'ont honoré. 
(...)
Tu fus aux Dames pensives
Par Mercure consacré,
Et aux passions lascives
Ton son est tousjours à gré.

Bransle de Guillaume Morlaye, 1552 ; Federico Marincola, guiterre

 

Préface au Livre des Mélanges, 1560

Car celuy, Sire, lequel oyant un doux accord d'instrumens ou la douceur de la voyx naturelle, ne s'en resjouit point, ne s'en esmeut point et de teste en pieds n'en tressault point, comme doucement ravy, et si ne sçay comment derobé hors de soy, c'est signe qu'il a l'ame tortue, vicieuse, et depravée, et duquel il faut se donner garde, comme de celuy qui n'est point heureusement né. Comment pouroit on accorder avec un homme qui de son naturel hayt les accords ? celuy n'est digne de voyr la douce lumière du soleil, qui ne fait honneur à la Musique, comme petite partie de celle qui si armonieusement (comme dit Platon) agitte tout ce grand univers. Au contraire, celuy qui luy porte honneur et révérence est ordinairement homme de bien, il a l'ame saine et gaillarde, et de son naturel ayme les choses haultes, la philosophie, le maniement des affaires politicques, le travail des guerres, et bref en tous offices honorables il fait tousjours apparoitre les estincelles de sa vertu.

 

Je vy ma nymphe entre cent damoiselles, poème de Ronsard mis en musique par Anthoine de Bertrand, 1576 ; Ensemble Clément Janequin

Abrégé de l'Art Poétique François, 1565

Après, à mon imitation, tu feras tes vers masculins et féminins tant qu'il te sera possible, pour estre plus propres à la musique et accord des instrumens, en faveur desquels il semble que la Poësie soit née, car la Poësie sans les instrumens, ou sans la grace d'une seule ou plusieurs voix, n'est nullement agréable, non plus que les instrumens sans estre animez de la mélodie d'une plaisante voix.

 


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