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La musique à la cour des comtes de Laval au XVIe siècle

©Jean-Marie Poirier, 2005

Titre de circonstance ou réalité historique ? Plusieurs témoignages de chroniqueurs anciens attestent l'intérêt porté à la musique par les comtes de Laval. Pierre Le Baud, chantre de Saint-Tugal et secrétaire de Jeanne de Laval, veuve de René d'Anjou, rappelle que dès le début du XVe siècle, le comte Guy XII aimait les bons chantres et Musiciens dont il entretenait plusieurs à ses despens.

Le premier quart du XVIe siècle voit l'épanouissement de la maison de Guy XVI. Grand seigneur féru d'italianisme, il entreprend la rénovation du Vieux Château et l'édification du Château-neuf, aujourd'hui palais de justice. Il y mène grand train si l'on en croit un état de la maison de Laval qui signale dans son entourage toutes sortes d'officiers que l'on voit chez les princes [...] jusques aux trompettes, hautbois, saquebutes, luths, organistes et musiciens.

 

 

Ronde Pourquoy (T. Susato, 1551) par l'Ensemble Walsingham

Il appartiendra au comte suivant, Guy XVII, d'achever l'œuvre de son aîné. Son entrée à Laval, à l'occasion de son mariage avec Claude de Foix, fut marquée par des festivités auxquelles ne manquèrent point de participer violons, fifres et flûtes qui jouaient des airs et des chansons bien harmonieusement.

Ambroise Paré fut un autre grand témoin de son goût pour la musique. En effet, en 1543, lors d'une expédition militaire en Bretagne contre les risques d'incursions anglaises, il rapporte avec sa verve habituelle que Monsieur de Laval, & autres gentilshommes, faisoit venir aux festes grande quantité de filles villageoises pour chanter des chansons en bas Breton, où leur harmonie estoit de coasser comme grenouilles lors qu'elles sont en amour. D'avantage leur faisoit danser le triory de Bretagne, & n'estoit pas sans bien remuer les pieds & fesses. Il les faisoit moult bon ouyr & voir.


Guy XVII, comte de Laval
 
Claude de Foix, son épouse


En 1546, trois ans après cet épisode plaisant, paraît chez Pierre Attaingnant, l'éditeur parisien de musique le plus réputé de cette époque, deux recueils de psaumes dont la page de titre du second, le seul qui soit préservé, nous fournit une information très intéressante – y compris l'orthographe, typiquement "Renaissance"... Il s'agit de psaumes traduits en français par Clément Marot et Théodore de Bèze et mis en musique par maistre Anthoine de Mornable, Maistre de la chappelle & valet de chambre de puissant seigneur Monseur le Conte de Laval.

Titre du Superius des Pseaulmes de 1546 (Paris, B.N.)

Ce musicien, quelque peu négligé par le grand public, n'est pourtant pas un inconnu. Il s'agit d'un excellent compositeur dont malheureusement bien peu de détails biographiques nous sont parvenus. On sait seulement qu'il a reçu sa formation à la Sainte-Chapelle, maîtrise prestigieuse, et à la fin de l'année 1530, les chanoines lui accordent une pension de 25 livres car il ne peut plus servir en icelle église parcequ'il est en mutation de voix. La mue de notre enfant de chœur adolescent, scrupuleusement consignée dans les registres de la vénérable institution nous permet donc de situer sa naissance vers 1515.

Lorsqu'on le retrouve au service du comte de Laval, dans les années 1540, il a atteint la maturité et sa carrière est déjà bien établie. Sa production musicale semble avoir fait une large place à la musique sacrée, motets, magnificats, psaumes etc. Mais avec la quarantaine de chansons profanes publiées dans diverses anthologies, nous découvrons un musicien en parfaite possession de son art. La qualité de son écriture le rattache au grand courant poplyphonique qui a donné à la chanson française de la Renaissance ses lettres de noblesse.

Cliquez sur la clé et téléchargez la chanson Donnez m'en ung d'Antoine de Mornable en .pdf

Si ses penchants probables pour le protestantisme ont sans doute contribué à le maintenir dans l'ombre, ils ne sont sûrement pas étrangers à sa position de valet de chambre et maître de chapelle du comte de Laval – deux statuts fréquemment associés pour les artistes évoluant dans l'entourage de la haute noblesse – . Les sympathies des Laval pour la cause réformée allaient s'afficher ouvertement dès la disparition de Guy XVII, entraînant alors la ville et ses seigneurs dans la tourmente des Guerres de Religion.

Ecoutez les 2 dernières strophes du Psaume 137, Estans assis aux rives aquatiques, dans les versions d'Adrian Le Roy (1574) et Claude Goudimel (1580) par l'Ensemble Walsingham

Antoine de Mornable est-il jamais venu à Laval ? Si rien ne permet de l'affirmer avec certitude, sa situation professionnelle au service du comte Guy XVII peut, en toute logique, laisser penser qu'il a eu l'occasion de faire valoir ses talents jusque dans la ville de son maître. Comment ne pas imaginer les chansons de Mornable faisant résonner la galerie du Château-neuf, ou ses motets et ses psaumes s'élevant sous les voûtes de la collégiale Saint-Tugal toute proche.

Jean-Marie POIRIER

Voir aussi à la page Partitions le Psaume 46 Dès qu'adversité nous offense (1546)


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